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Wednesday, April 21, 2010

Journal de Jimmy Jones - Jour 3

Le Ruth's Chris Steak House est un resto sympa. C'est là qu'après mon quart de jour je passe la plus grande partie de mes soirées à siroter des Kilkenny et à reluquer la faune de l'Inside City. Car il faut le dire, en matière de femmes, le quartier central de Kaosopolis n'est pas piqué des vers.

Femmes chaudes.

Hommes souls.

Parfait alliage de luxure et de fuite.

C'est là, surtout, que j'écris pour passer le temps. Nouvelles et récits pour oublier cette vie qui fut mienne:

La nuit tombait. J'étais assis dans un bar à N.D.Lay, près d'Ivory Boulevard. Un truc clinquant rempli de vieux hippies et de jeunes trous du cul cravatés. Je venais de terminer une lecture poétique dans un tout autre endroit rempli d'un tout autre genre de gens mais tout aussi trous du cul et cravatés. Le cirque habituel: le vieux Jimasky éructe son désespoir et son mal de vivre. Le barman s'est approché de moi. J'ai reconnu Joe Ghidetti. Un type que j'avais rencontré il y a une vingtaine d'années dans les bars de la Western Avenue.

— Ce vieux Jim, qu'il m'a dit, paraît que t'es venu montrer ton cul aux morveux de l'université.
— Le cirque habituel, j'ai répondu.
— Dis-moi Jim, tu dois connaître un tas de types bien placés à Vegas, hein vieux frère.

J'ai jamais été son vieux frère ni le vieux frère d'aucun connard de la Western Avenue.

— Laisse tomber Joe.

Il agrippa mon poignet de sa main poisseuse et approcha son visage du mien. Il dégoulinait de sueur.

— On sait ce que c'est, à Vegas, pas vrai. Copain et compagnie. Tout être humain a le droit à sa chance, pas vrai Jim? J'ai un numéro à t'montrer. Un numéro un peu spécial. Ça devrait leur plaire à Vegas.

Le mec me dégoûtait. Sa bouche sentait le vomi. Mais il avait raison: tout être humain a le droit à sa chance.

— Allez, déballe ta camelote, j'ai dit.
— Pas ici. Amène-toi chez moi, ce soir à 20h. C'est au bout d'la rue. Au-dessus du chinois. Y aura d'la bière et du whisky. Comme au bon vieux temps, n'est-ce pas vieux frère?

Je l'ai saisi au colbac et j'ai serré de toutes mes forces. Sa gueule de rata a commencé à virer au mauve.

— J'suis pas ton vieux frère connard.

J'ai laché la pression et lui ai adressé mon plus beau sourire.

— À 20h chez toi. Comme au bon vieux temps, hein Joe?

J'ai monté les escaliers à 20h tapantes. Qu'est-ce qui clochait chez moi? J'aurais pu finir la nuit avec une de ces pisseuses de l'université. Une soirée baise et littérature avec une fille de la haute. Elle m'aurait pompé le noeud. J'aurais déclamé quelques vers du grand Jeffers et raconter mon combat de boxe avec Hemingway. On aurait fini au plumard. Le vieux Léon Jimasky aurait trempé son poireau dans un jeune corps souple et bronzé, passé sa nuit à ramoner la chatte d'une étudiante férue de littérature. Je bandais comme un âne. Je frappai à la porte. Joe vint m'ouvrir. On aurait dit qu'il avait vu le Père Noël. Ça me calma aussi sec. Ce cinglé sautait sur place. Il gueulait:

— Nom de Dieu de bordel de merde, il est venu! Il est venu, nom de dieu, il est venu!

Derrière lui se tenait une fille brune d'environ 25 ans. Elle avait du noir autour des yeux et de long cheveux enserrés dans un bandeau violet.

Elle semblait avoir sa dose.

— Qui c'est ça, que je demande.
— Rien, une beatnik. Elle a un peu forcé sur la bibine, je crois.
— La bibine mon cul, j'ai répondu, elle est raide défoncée cette gamine.

Joe s'était approché de la fille. Il me regardait de ses yeux révulsés. Ce type était complètement dingue. Avant que j'aie pu faire un geste, il avait sorti un cutter et l'appuyait sur la gorge de la petite camée. Il continuait à me regarder.

— Pas vrai Léon qu'il vont aimer ça, à Vegas. Un happening, comme ils disent les morveux de l'université. J'vais égorger cette petite salope, là, devant toi, Jimasky. Une oeuvre d'art. Mieux qu'tes poèmes de merde, pas vrai?

L'ordure s'approchait de moi. Il avait fait une sale erreur. J'ai pivoté doucement sur le côté et j'ai pensé au vieil Hemingway. Je lui ai balancé un crochet du droit, juste au creux des reins. Il a lâché le cutter et la fille. J'l'ai terminé d'un uppercut du gauche. Joe Ghidetti s'est écroulé sur la moquette. J'ai poussé la fille vers la porte. Elle chialait.

Je suis resté un bon moment dans l'appartement. Joe avait tiré les rideaux et allumé quelques bougies. Sûr qu'il aurait fait un tabac. A North Beach ou à Greenwich Village. J'ai fini par sortir. La petite camée m'attendait en bas. Elle m'a souri. J'ai laissé tombé toute considération artistique. Je bandais à nouveau comme un âne.

Ce genre de récit, j'en ponds un par soir pas pour épater la galerie mais pour me sortir toute ces saloperies que j'ai subies à cause de Sam Fox, ce proxénète converti en homme respectable de la porno trash: bukake et autres cochonneries du genre, que Mélodie Nelson appréciait du temps de ses escapades d'escorte.

Le Ruth's Chris Steak House est un resto sympa. C'est là qu'après mon quart de jour je passe la plus grande partie de mes soirées à siroter des Kilkenny et à reluquer la faune de l'Inside City.

Et parfois, parfois, je pense à cette peinture de Lucien Schott et je chiale un bon coup.

Monday, January 25, 2010

Journal de Jimmy Jones, jour 2

— T'es  nouveau toi ici, non?

Sa familiarité m'énerve, mais étant le petit nouveau, je n'en fais pas un plat. On s'intéresse à moi, c'est déjà pas mal.

C'est ainsi que j'ai rencontré la secrétaire obèse et malodorante en ce deuxième matin au coeur de la C3I. Nerveux, j'arbore un sourire timide qui signifie oui; mais il veut également dire en espérant qu'elle ne me colle pas au cul.

— En passant, moi c'est Jacinthe.
— Jones. Jimmy Jones.
— Bienvenue chez nous Jimmy.
— Merci.
— As-tu tout ce qu'il te faut? Stylo, portable, netbook? Tu me le dis s'il te manque quelque chose, OK?

Finalement, Jacinthe est aux petits soins. Ferait pas de mal à une mouche.

Mon bureau est au 7e étage. Cordé en rangée parfaite de trois cubicules et faisant face à autant d'espaces de travail, ergonomiquement ajusté, mon cubicule est le premier de la rangée, adjacent à la machine à café, l'imprimante et le mini-frigo de l'étage.

Moderne, le corridor dispose d'un énorme sofa pouvant accueillir au moins cinq personnes de taille moyenne. Cinq personnes normalement constituées ou trois Jacinthe. Une console Wii est mise à la disposition des employés qui y jouent quand bon leur semble.

Même le patron, Charlie Wang, vient y faire son tour et joue une excellente partie de Wii Sports, surtout le golf. C'est du moins ce que m'a raconté Jacinthe lorsque je suis allé luncher avec elle et les collègues, hier, au Ruth's Chris Steak House.

Au-dessus du sofa géant trône une peinture tout aussi gigantesque et étrange, une inquiétante toile d'un certain Lucien Schott, germanique ou peut-être celte d'origine, c'est du moins ce que révèle l'inscription à la droite de la toile. Naissance en 1941. Lieu de résidence inconnu.

La toile représente une femme (ou un homme?), vu de dos des pieds aux épaules, allongé sur un tapis angora; son corps traverse la toile par la diagonale sud-ouest nord-est, le galbe de ces fesses ne permet pas de déterminer l'âge du modèle.

Que cette peinture ait été affichée dans le bureau de mon patron, soit, les goûts en art se discutent jusqu'à un certain point. Mais voir cette peinture chaque fois que je soulève mon train de mon siège a de quoi inquiéter. Sans parler des sourires que l'on me jette lorsqu'on aperçoit mon malaise.

Et dire que c'est la meilleure boîte, paraît-il, pour mettre en pratique mes talents.